Ceinture (La)

Ceinture (La)


Reproduction interdite

Partant pour la croisade, un seigneur fort jaloux
De l’honneur de sa dame et de son droit d’époux
Fit faire une ceinture à solide fermoir,
Qu’il attacha lui-même à sa femme un beau soir.

Quand il eut son honneur solidement bouclé,
Notre seigneur partit en emportant la clé.
Depuis, la pauvre Iseult murmurait chaque jour :
"Quand donc t’ouvriras-tu, prison de mes amours ?"

Elle fit connaissance, un soir, au fond d’un bois,
D’un jeune troubadour, poète montmartrois,
Qui vint lui proposer justement d’essayer
Si d’un poète l’amour peut faire un serrurier.

Elle était séduisante et belle, tant et tant,
Que le fermoir cède et qu’elle en fit autant.
Depuis deux ans durait leur tendre amour,
Quand le seigneur revint avec cors et tambours.

La belle étant enceinte depuis près de neuf mois
S’écria : "Sur ma vie ! Quel malheur j’entrevois !
Mais mettant la ceinture et la serrant un peu,
Notre mari jaloux n’y verra que du feu."

Le sire s’en aperçut, et se mit en courroux.
"Seigneur", s’écria-t-elle, "cet enfant est de vous !
Depuis près de deux ans, fermé à double tour,
L’enfant respectueux attend votre retour."

"Miracle", s’écria-t-il, "femme au con vertueux,
Ouvrons vite la porte au fils respectueux !"
De joie la tendre Iseult aussitôt accouchait,
Et depuis la ceinture, c’est lui qui s’la mettait !